Jamais 2 sans 3 comme on dit, donc après Paris et le Médoc, place au marathon de Sénart le 1er mai 2016 pour mon troisième essai sur la distance !
Pourquoi Sénart ?
Il s’agit du 5ième marathon de France en terme de vitesse. Le temps moyen y est de 3h51’23 » alors que le temps moyen du MDP est de 4h13’23 ». Pas de ponts casse-pattes ni de tunnel de la mort, Sénart, ça se passe dans la plate campagne de Seine-et-Marne, au milieu des champs. A défaut d’être en top forme, j’optimise mon parcours !
Parce que côté inscrits, Sénart n’a jamais dépassé les 1 754 inscrits (2013) et que rien ne vaut le confort des petits pelotons des courses populaires. J’écrase des pieds tous les jours dans le RER, ce n’est pas pour revivre la même chose le week-end !
Enfin, parce que je suis une pince : Sénart coûte moins de la moitié du prix de l’inscription au marathon de Paris et offre un tee-shirt technique, une médaille en verre de la verrerie locale de Soisy-sur-Ecole, une bouteille de jus bio local et -1er mai oblige – un brin de muguet.
Donc, ok, il n’y a pas la Tour Eiffel mais les Kenyans sont là et ce sont les même satanés 42,195 kms à se coltiner. Le choix a été vite fait : pour 2016, je ferai mon marathon dans le 77 !
Une stratégie de course optimisée
Le départ est prévu sur la pelouse place de la mairie à Tigery. Nous arrivons 1h en avance et nous mettrons plus de temps à trouver une place dans le village qu’à récupérer mon dossard. L’organisation est bien rôdée, ça fait plaisir. La météo annonce un grand soleil et 15°C mais à 9h, il fait encore frisquet. Pas mal de coureurs ont pris des coupes-vents ou sont en t-shirt long comme moi. Un détail qui aura son importance pour la suite. Les meneurs d’allure discutent avec le présentateur.
Ambiance studieuse dans les allées du parc, les coureurs ont sorti leurs plus belles chaussettes de contention, les mollets sont affutés. Hu, hu, les gars ne sont pas venus cueillir des marguerites, ça sent la transpiration chasse au chrono ce matin ! Pour ne pas dégoûter l’ennemi, je cache mon jeu et me pose au soleil avec Ludo. Je pars tout de même dégourdir les jambes quelques minutes, histoire surtout de vérifier l’état de ce fichu mon talon droit qui me pourrit la vie depuis 2 mois.
Verdict : ça va certainement péter autour du 30, je vais prendre cher, ça va être dur mais de toute façon, le marathon, c’est pas une promenade dans le parc, hein.
Ma stratégie de course, riche de ma faramineuse expérience et adaptée à mon état se définit par : tenir le plus longtemps possible et ensuite, continuer. Jusqu’à la ligne. Le marathon, c’est 90% dans la tête et 10% de physique. 10% de jambes, c’est pile ce qu’il me reste. En comptant sur le dénivelé négatif et la météo, je peux finir dans les temps. ça va le faire !
Un bisou à mon supporter préféré et je me glisse dans mon Sas de 4h l’esprit serein (non) avec ma bouteille de boisson isotonique, mon super cuissard Kalenji avec 3000 poches qui me permettent d’emporter mes 2 gels, mon ipod, mon smartphone et des mouchoirs.
Km 0 à 15, la campagne, ça me gagne
9h30, le départ est donné. Petit peloton oblige, je mets moins d’une minute pour franchir l’arche. Aucun bouchon, je pars à mon rythme dès le début, c’est vraiment agréable ! Un petit coucou à Ludo qui filme mon départ et rendez-vous dans un peu moins de 4h 🙂
Je passe très vite le meneur des 4h, le but est de le laisser derrière moi pour aller chercher le sub 4h (3h50 en optimisant la trajectoire sur le long des murs). Je tourne à 5’17, un peu rapide mais le parcours est vraiment facile. Je n’ai pas chaud et le pied me laisse relativement tranquille. Je me dis que tant que ça passe, autant continuer.
Par contre, je me prends le soleil en pleine poire et je me dis que je vais bronzer ça risque de poser rapidement problème.
Dès le début, je me force à boire une gorgée toutes les 10 minutes pour éviter le coup de chaud. Les coureurs partis avec leur coupe-vent transpirent déjà des litres d’eau, ça s’annonce compliqué pour eux !
Autour de moi, le peloton s’étale sur la départementale au milieu des champs, des petits groupes se font par allure. Devant moi, un gars du club de Conflans. A ma droite, Fabien, avec qui je discuterai jusqu’au semi et qui vise lui aussi le sub 4h. Derrière, Thierry, tout en bleu, qui a un peu de mal à suivre mais s’accroche. Surtout, à 500m devant, j’ai repéré des oreilles de lapin bien connues : les lapins runners sont là et je compte bien aller leur faire coucou. Je prévois de rejoindre Emir vers le 15ième Km.
Les kilomètres défilent, nous passons dans des villes nouvelles ou des zones industrielles. Pas hyper glamour comme décor mais c’est calme, large et vert. Je maintiens l’allure au milieu du même groupe de coureurs. Je bois, tout va bien, j’en profite au maximum tant que je le peux (vous sentez la confiance envers mon corps en carton ?)
Les ravitos sont bien organisés avec des épongeages entre les ravitos. La chaleur commence à se faire sentir et les stands sont littéralement pris d’assaut par des coureurs déjà bien rouge tomate. Malgré l’arrivée de la horde desséchée, les bénévoles assurent : toutes les mains tendues repartent avec un gobelet d’eau ou une powerade. Je n’aurais jamais besoin d’attendre pour boire, je me sers à la volée et c’est juste top. J’ai l’impression d’être une élite, ça réchauffe mon moral bancal.
Au 15ième km, vers Nandy (ha, admirez la justesse de mon calcul !) je salue Emir que je n’ai pas revu depuis la Saintélyon en décembre dernier. On parle de nos courses passées et futures, on compatit entre éclopés. Il m’informe que Carole est devant, avec les 3h45. Hu, trop loin pour que je tente un long sprint. Je lui propose de continuer ensemble mais Emir n’est pas en forme. Je lui souhaite bonne chance et part voir ce qui se passe plus loin.
Le Semi, vers l’inconnu et au-delà
Je passe la moitié de la course en 1h53, soit 2 minutes d’avance sur mon temps prévu. Tout va toujours bien mais je pense que ça ne va pas durer. Mon talon n’a pas tenu plus de 23 km à l’entrainement, je ne vois pas pourquoi j’aurai plus de bol aujourd’hui.
Je perds Fabien, il finira en 4h13 finalement. Le gars de Conflans est toujours devant et je repère un coureur avec un sac trail accompagné d’une jeune femme en t-shirt orange : Jérôme et Christelle, deux vraies pipelettes. Thierry, le super Power Ranger bleu, revient à mon niveau et entame la discussion. On se suit depuis le départ mais maintenant, c’est lui qui va me tracter car je sens mon pied se raidir sournoisement. Thierry se retournera régulièrement pour m’encourager d’un « aller, Emilie, on ne lâche pas ».
Merci à toi pour ton soutien qui m’a bien aidé !
Km 25 à 30, « Allo Ludo, bobo ! »
Nous sortons de la ville pour admirer la nature et là…longue ligne droite avec le vent en pleine face. D’un côté, c’est sympa, ça rafraîchit, dissipe les mauvaise odeurs de runners pas frais, de l’autre…déjà que je n’allais pas vite, là, je ralentis encore plus. N’empêche, ça me fait une bonne excuse : « ouais, mais j’ai pas pu faire mon chrono, y avait trop de mistral, t’as vu ». On se met tous en file indienne pour s’abriter derrière le coureur précédent mais ça ne change pas grand-chose : pas de géant dans mon groupe pour casser le vent. Finalement, courir à la campagne, c’est naze.
Je commence à croiser les premiers blessés au champ d’honneur, grimaçant, en hypoglycémie ou hagards dans l’herbe. Vade retro les zombies, ne me contaminez pas avec vos crampes ! Je me concentre sur la ligne blanche de la route ou Thierry en bleu devant. Et le vent. Je perds 10sec sur mon allure, saleté de vent qui massacre mon brushing. Pour couronner le tout, mon talon se réveille. On a passé les 23 km, hop, mon pied se fait la malle. Je me retrouve avec un pied valide à gauche et un bout de bois raide hyper douloureux à droite.
Pendant ce temps-là, Ludo cherche un magasin de bricolage pour faire ses courses. Il a vu arriver les premiers maintenant, il a autre chose à faire que glander une heure pour m’attendre. Comment voulez-vous que je m’en sorte avec des soutiens pareils ?
Km 30 à 38, qui me prête un pied ?
J’ai un peu de mal à courir avec mon pied de playmobil. Je m’arrête pour boire et tenter de m’étirer. J’ai mal. Je repars doucement. J’ai toujours mal. Bon, bah, autant continuer. 12 km à cloche-pied, ça va être un peu longuet.
Les bénévoles et autres faux supporters tentent de me refaire la blague du « t’as fait le plus dur, c’est que de la descente ensuite » mais on ne me la fait plus maintenant. Je sais exactement combien de kilomètres il reste : beaucoup. Donc, passez-moi juste une éponge et laissez-moi clopiner lamentablement ! Je me concentre sur Christèle, Jérôme et Thierry qui papotent devant. Raaaah, mais pourquoi ils ne souffrent pas, eux ? Qu’est-ce qu’ils ont mis dans leur bouteille pour avoir la pêche ? Le pire, c’est qu’à part mon pied, tout le reste va bien. J’ai bu régulièrement donc pas de coup de chaud, pas d’essoufflement, pas de crampe. Du coup, toute la douleur se concentre sous mon talon et elle se concentre bien ! Je déteste mon corps.
Au ravito du 36ième km, j’en ai plein les chaussettes de ce pied inutile. Mais pourquoi un marathon ne fait pas juste 36 km, hein ? Je ralentis tellement que si je continue, je vais finir la course en marche arrière. Mon groupe s’éloigne petit à petit, chaque kilomètre fait 2000 mètres, mon moral est aussi plat que le parcours. Sans oublier le vent, qui ne me pousse pas dans le bon sens. Je n’ai qu’une envie : m’asseoir jusqu’à ce que quelqu’un me porte jusqu’à Ludo mais Ludo étant à l’arrivée, pas le choix, je dois finir. Jamais là quand j’ai besoin de lui, hein !
Mais d’abord, une pause au ravito. Il fait soif et le coca m’appelle. Je repars ou plutôt, mon corps repart. Moi, je flotte dans le coin. Laissez-moi tranquille. Je reviendrai quand on franchira la ligne.
Je jette un œil désespéré à ma montre : hey mais le 3h55 est toujours possible ! ça change tout dans ma tête, ma brave dame ! No pain no gain, on ne fait pas d’omelette sans se briser les œufs. Je ne suis pas venue visiter le coin, je suis venue pour mater le marathon !
Je parviens presque à rattraper mon groupe, qui sont aussi déglingués que moi. Le mur leur est tombé dessus, visiblement. Autour, c’est l’hécatombe. Ou un tournage de Walking Dead, je ne sais pas trop.
Libérée, délivrée !
Je résiste à l’appel du dernier ravito et continue ma course marche rapide. Dans ma tête, je refuse de m’arrêter avant la ligne. Un semblant de motivation est revenue, je suis regonflée à bloc. Ma Garmin dit le contraire donc j’arrête de la regarder pour éviter la crise de nerfs. Je boitille sur ma jambe valide et arrive au niveau de 2 coureuses, dont l’une qui connait bien le parcours. Elle tente de motiver sa partenaire de course et détaille le chemin restant, globalement en descente, pour la distraire. J’ai beaucoup plus confiance en ses indications qu’en celles des bénévoles !
Un dernier traquenard, le petit pont du 39ième km manque d’avoir ma peau mais entendre ensuite « dans 300m à gauche, ça descend sur tout le dernier kilo » me donne des ailes. Merci madame GPS pour ces infos, ça a été la meilleure nouvelle de ma journée !
Je me laisse porter par la descente puis continue d’accélérer. Les autres autour font pareil, c’est le moment de lâcher le déambulateur et de tout donner. Le stade apparaît en bas, je spriiiinte je ne sais pas trop comment mais je déboule sur la piste à 5 au kilo. Le chrono indique 3h54, vite vite, plus qu’un minute ! Ludo tente de me déconcentrer en m’appelant. Il croit que je vais lui faire la bise ou quoi ? J’ai pas le temps, j’ai un marathon à finir ! J’agite mes jambes et ENFIN, 3H55’21 » TEMPS OFFICIEL ! Le sub 4h est in ze pocket !
Ma montre m’indique 3h54’30 » temps réel, l’objectif est atteint !! J’ai mal mais je suis joie.
Je récupère ma jolie médaille, mon brin de muguet et part féliciter Thierry et Jérôme, qui finissent autour des 3h52, juste devant moi. Nous sommes restés groupés tout du long, ça a été une expérience bien sympathique de s’épauler durant ces 42,195 km.
Des coureurs s’effondrent par terre, complètement vidés. Punaise, des obstacles supplémentaires à enjamber alors que j’ai du mal à décoller les pieds du sol. Pas cool les gars !
Trop de monde au ravito final et puis de toute façon, je veux un burger. Je récupère ma bouteille de jus de pomme bio et retrouve Ludo. Il me félicite pour mon temps et me dit qu’il a eu le temps d’acheter un framboisier et de laver la voiture. Je ne retiens que ses félicitations.
Ce marathon vaut le détour : le parcours est propice à faire un bon chrono, l’ambiance conviviale et détendue change des courses parisiennes. Les bénévoles sont survoltés et se mettent en quatre pour que notre course se passe le mieux possible. Le paysage n’est pas toujours joli, les spectateurs clairsemés mais tout ça est effacé par la très bonne organisation, c’est le principal.
Pour moi, je suis satisfaite de mon chrono même si je sais que sans mon aponévrosite, je pouvais espérer mieux. J’ai moins souffert que lors de mon premier marathon et à J+2, je n’ai presque plus de courbatures. Le métier rentre ! 🙂
Merci pour ce trés beau récit. Trés complet et habilement construit. Trés agréable à lire. Hâte de découvrir ce marathon le 01/05/2017.